KINÉSITHÉRAPIE
Faire du bien tout en restant performant
La kinésithérapie, c’est le mouvement que le kinésithérapeute réalise ou fait réaliser. Il masse, il draine, il mobilise. Mouvement isolé, simple, prenant en compte une seule articulation, l’épaule par exemple, ou une seule région, le bras, c’est la kinésithérapie que l’on appelle « analytique ». Parce que la finalité de la rééducation est de ramener le corps à la fonction pour la vie quotidienne et à la pratique d’une activité physique voire sportive, le mouvement rééducatif doit faire place peu à peu à un mouvement plus complexe fait d’une association de mouvements mettant en jeu plusieurs régions du corps. Cette gestuelle plus globale et plus complexe est sollicitée dans la gymnastique que l’individu réalise seul éventuellement sous le contrôle du professionnel qui donne des consignes.
J’ai été opérée d’une tumorectomie du sein gauche il y a 2 mois et ni l’oncologue ni le chirurgien n’ont jugé nécessaire de me prescrire de la kinésithérapie puisque je n’avais pas subi de curage axillaire. C’est mon généraliste qui m’a prescrit des séances et j’ai aussitôt été prise en charge. Les séances se font en douceur, travail de la cicatrice, mobilisation de l’épaule, massage des dos, drainage des membres. Beaucoup de bienveillance et de respect, j’apprends à toucher et à masser mes cicatrices ; cela m’aide à me l’approprier, à aller de l’avant et pendant la chimio c’est important. Dans l’intimité de chaque séance je me sens écoutée, soutenue et comprise. Je sais aujourd’hui que je n’aurai pas été en si bonne forme si je n’avais pas bénéficié des séances. Pourquoi ne sont-elles pas prescrites, immanquablement ?
Joanne – 50 ans
La kinésithérapie fait partie des soins de support qui apportent aux patients un apaisement, un soulagement dans les moments difficiles de la prise en charge d’un cancer. Il est admis et c’est particulièrement le cas dans le cancer du sein que les traitements médicaux sont plus douloureux et désagréables que la maladie elle-même ; les soins de support ont donc été développés pour pallier les effets secondaires des traitements pourtant incontournables.
Le sein n’est ni un muscle, ni un os encore moins une articulation. Pourtant après une intervention chirurgicale visant l’ablation totale ou partielle de la glande mammaire, et d’un ou plusieurs ganglions, pendant ou après la radiothérapie ou la chimiothérapie, puis au cours de l’hormonothérapie qui accompagne, pendant 5 ans au moins, 2/3 des cancers du sein, nombreuses sont les raisons de bénéficier de la prise en charge kinésithérapique.
Tout au long du parcours du cancer du sein, la kinésithérapie présente des objectifs bien précis avec la finalité de limiter les séquelles mécaniques dues aux traitements médicaux et chirurgicaux, séquelles pouvant générer des douleurs, des raideurs, des œdèmes, accentuer la fatigue et aggraver le déconditionnement musculaire. A la longue ces troubles, déficits ou séquelles peuvent gêner la reprise d’une activité physique, gymnastique ou sport.
Après la chirurgie
Une kinésithérapie mise en place précocement après la chirurgie permet d’éviter bon nombre de troubles comme par exemple l’installation de l’attitude de protection du sein ou du thorax (APS) quand le sein est absent, qui à elle seule génère rétraction musculaire, raideur et douleur d’épaule. Des conseils judicieux concernant la prévention des lymphœdèmes permettent souvent d’éviter leur apparition ; l’absence de prise de poids, la mobilité entretenue de l’épaule, la souplesse du creux axillaire sont des facteurs de prévention capitaux des œdèmes que le kinésithérapeute explique tout en donnant les moyens de les réaliser
Pendant et après la chimiothérapie
Pendant et après la chimiothérapie, les séances de drainage aideront les tissus conjonctifs (derme, tendons, aponévroses) riches en capillaires artériels, veineux et lymphatiques à se débarrasser des résidus très toxiques. L’apprentissage des étirements des muscles et des techniques de dérouillage articulaire aidera les corps meurtris à retrouver peu à peu souplesse et indolence ; ces séances de kinésithérapie dites de « décrassage » seront prolongées par la réalisation des mêmes exercices à la maison, chaque jour.
Avant la radiothérapie
Avant la radiothérapie la kinésithérapie a un objectif capital qui est le positionnement de l’épaule dans une position permettant l’application des radiations. Si la position, bras élevé coude à hauteur de l’épaule, ne peut être obtenue, la radiothérapie n’a pas lieu. C’est dire l’importance des séances si une douleur, l’appréhension ou d’autres incidents entravent la souplesse de l’épaule. Pendant et après la radiothérapie, la kinésithérapie a pour objectif de maintenir puis de redonner la souplesse non plus seulement à l’articulation mais à la peau et aux muscles irradiés, tout en préservant la souplesse des cicatrices qui parfois se rétractent et se fibrosent durant l’irradiation. Cette souplesse des articulations et des tissus permet de laisser libre la circulation lymphatique évitant les œdèmes survenant à distance de ces rayons.
La kinésithérapie permet de lutter contre les conséquences de la chirurgie : cicatrice, douleur, raideur, manque d’appropriation… ou d’aider à supporter les effets secondaires des traitements. Pour chacun des troubles suivant, la kinésithérapie propose une prise en charge adaptée qui permet d’atteindre un niveau d’état mécanique compatible avec la progression de votre reconstruction physique.
Cordes lymphatiques ou Thromboses Lymphatiques Superficielles
En cas de présence des cordes lymphatiques ou Thromboses Lymphatiques Superficielles, (TLS), la kinésithérapie a fort à faire pour éliminer ces véritables brides. Massage, drainage, étirements doux, mobilisations viendront à bout de ces « cordes de guitares ». Pour prévenir leur retour qui peut survenir même quelques années après ce lourd parcours, l’entretien de la souplesse du bras, du coude, des doigts par des étirements est incontournable ; ils seront enseignés pour une pratique journalière, élever le bras en étirement complet en se brossant les dents par exemple.
Massage des cicatrices
Toutes les cicatrices doivent être massées ; demander à une femme opérée du sein de se masser elle-même est illusoire. Pratiquement, l’accès aux cicatrices du sein et du creux de l’aisselle n’est pas facile et masser une cicatrice correctement nécessite l’usage des deux mains ; psychologiquement, l’accès, la vue, le contact avec la cicatrice rappelle le traumatisme de l’agression du sein, symbolique et organique. Certaines femmes refusent catégoriquement d’y toucher, d’autres ne peuvent même pas la regarder. C’est donc le kinésithérapeute qui mobilise, masse, étire, décolle les cicatrices. En complément il enseigne à la patiente les exercices à réaliser au quotidien pour mettre les cicatrices en positions étirées sans les toucher et lui prodigue les conseils pour lutter contre l’APS et entretenir la souplesse de l’épaule, ce qui indirectement agit sur leur mobilité. Une cicatrice restera toujours une zone de moindre souplesse ; elle doit donc être entretenue sans jamais laisser le corps se refermer sur elle à cause des attitudes souvent asthéniques. Dans le contexte du cancer du sein ces zones sont des carrefours, épaule, creux de l’aisselle, qui ont une forte capacité à s’enraidir.
Lymphœdèmes
Enfin les lymphœdèmes du sein et surtout du membre supérieur constituent une indication historique de la kinésithérapie du cancer du sein ; le drainage lymphatique manuel aide la diminution de volume des segments en surcharge ; il se complète de la contention des parties de membre allégées. Adaptation de manchons et de gants ou mitaines, apprentissage de la réalisation des bandages multicouches de manière autonome, choix du type de contention, le kinésithérapeute en cas de lymphœdème est un acteur majeur du retour vers le confort et la qualité de vie.
Contrôle des douleurs
Toutes les actions menées par la kinésithérapie aboutissent au contrôle des douleurs ; celles-ci ont des origines multiples : tensions musculaires dues au stress et aux positions de protection, cicatrices adhérentes ou rétractiles, repousse des nerfs en cours et sensations erronées qui les accompagnent, fibrose du passage des drains souvent négligés, œdèmes congestionnant le sein. La qualité de vie ne sera pas optimale tant que ces douleurs seront présentes.
La fonction du kinésithérapeute ne serait pas complète sans mentionner son rôle dans l’écoute de cette femme, sujette aux doutes, aux craintes et aux questionnements sur son avenir physique ; ce professionnel de santé saura lui apporter les réponses pertinentes, le rééducateur dépassant alors le sujet du « corporel » pour soutenir le « mental ».
« Ici est le seul lieu où l’on me fait du bien » ; cette phrase prononcée par Nicole après une séance de kinésithérapie pour améliorer les résultats de sa reconstruction, résonne encore dans mon esprit à chaque fois qu’une nouvelle séance débute. Faire du bien tout en étant performant est pour la kinésithérapie après un cancer du sein, un objectif de chaque instant. Le parcours de soin plutôt violent justifie une kinésithérapie efficace qui apporte à chaque séance une dose de bien-être, de confort et de réconfort.
Malheureusement comme la kinésithérapie n’est pas systématiquement prescrite après la chirurgie, certaines femmes doivent attendre de présenter des troubles bien ancrés pour leur permettre de bénéficier de séances de rééducation. Le temps perdu rallonge les délais de récupération, mais un professionnel averti fera en sorte que celle-ci soit la plus complète possible pour un avenir corporel de qualité.